Les lanternes des morts

Par Francis CAHUZAC

Dernière mise à jour : 19-01-2004


Parmi les constructions les plus insolites et mystérieuses que nous a légué le passé, figurent en bonne place les lanternes des morts.
Construites pour la plupart aux environs du XIIe siècle, on pense que ces petites tours creuses, surmontées d'un pavillon ajouré et dans lequel on hissait au crépuscule une lampe allumée, jouaient le rôle d'une sorte de phare destiné à guider les âmes des disparus vers le repos éternel. D'autant plus qu'on ne les retrouve pratiquement qu'aux abords des cimetières, bien que certains aient pu disparaître au fil du temps. La présence d'une lanterne, si elle n'a pas été déplacée, peut matérialiser alors l'emplacement d'un ancien lieu de sépulture aujourd'hui oublié.

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Photo Francis CAHUZAC
6-06-1999 Survivance d'un rite religieux d'origine celte, on pensait aussi que la lumière protectrice dégagée de ces lieux durant la nuit, pouvait retenir la mort et l'empêcher d'aller rôder faire de nouvelles victimes. Ceci notamment en période d'épidémie où la flamme du lampier pouvait également servir à alimenter en feu les foyers, évitant ainsi un contact inutile entre les villageois qui aurait pu leur être fatal.

De ces pittoresques vestiges, l'on ne compte à ce jour plus qu'une centaine d'exemplaires en France . Bien que certains auraient pu paisiblement survivre à l'outrage du temps, la période révolutionnaire leur fut particulièrement néfaste. De nombreux cimetières, situés autour de l'église au milieu du bourg furent frappés, en vertu de salubrité publique, d'arrêtés les obligeant à se déplacer à la périphérie.
Une partie des tombes suivront, pas vraiment les lanternes, d'autant plus qu'en ces temps barbares, il était bon ton pour un notable local de renverser sa lanterne, symbole de culte et de religion à supprimer pour se faire valoir.

Fanaux typiquement funéraires pour certains, phares plutôt destinés à la navigation fluviale pour d'autres et même ancienne tour de guet , ou four à tuiles du XIIIe siècle , plusieurs hypothèses quant à leur destination finale ont été émises sans trop de certitude bien souvent. En tous les cas, on notera une plus grande concentration de ces édicules, pour la plupart romans, dans le centre-ouest du pays.

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Photo Francis CAHUZAC
28-04-1999 Certains historiens s'accordent à penser aussi que ces curieuses tours qui enluminaient les nuits profondes de l'occident médiéval, jalonnaient à l'horizon d'un bourg certains grands itinéraires comme ceux conduisant vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
Cette hypothèse peut être confirmée par la présence de quelques lanternes, comme celle de Longjumeau , située à l'angle de l'église (qui surplombait l'ancien cimetière aujourd'hui disparu). Longjumeau étant la première étape sur le chemin de pèlerinage venant de Paris. Arles, point de départ d'un des quatre principaux axes de Saint-Jacques-de-Compostelle, possède également sa lanterne. Plutôt petite et discrète, elle trône, oubliée et sans ouverture sur une ancienne église et de nombreux pèlerins la croisent tous les jours sans même la remarquer ni savoir ce qu'elle fut.

Il faudra bien se garder de confondre une lanterne des morts avec une croix hosannière monumentale . Ces dernières, assez fréquentes en Poitou, bien que de forme très similaires, possèdent un fut plein et sont absolument dépourvues de lanternon à leur sommet.

Un exemple d'une telle confusion a été observé pour la "lanterne des morts de Cormery (37)" qui fut classée le 1er-12-1920 comme telle. Il s'est avéré après observation que son fut était plein et que cet amer ne possédait pas de lanternon.
Haute embase de croix ou croix hosannière monumentale ? le dernier qui a dû connaitre cette réponse n'est certainement pas enterré bien loin.

En dehors de la France, il semble qu'il subsiste également quelques dizaines de ces précieuses lanternes en Europe centrale, en Espagne, en Italie et surtout en Irlande où ces dernières, qui atteignent ici une hauteur exceptionnelle, ont aussi pu servir de tour de guet pendant les invasions vikings.
Du fait de leur grande rareté, leur fragilité et de leur âge avancé, ces petits monuments, parfois hélas en voie de ruine, aspirent au respect. Nous avons pensé qu'ils méritaient d'être mieux connus afin d'être plus efficacement protégés, ce que le document présenté ici contribuera certainement à faire, son auteur l'espère en tous les cas.



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